Les conquêtes impériales avaient d’abord, et majoritairement , été une affaire d’hommes : explorateurs, commerçants, militaires, missionnaires, administrateurs. Les femmes, à quelques exceptions près, ne vinrent rejoindre leurs époux que tardivement, ce qui n’alla pas sans impliquer de grands bouleversements[1]. Et ces hommes seuls nouèrent évidemment des relations avec les filles des pays conquis, dès les premiers contacts mais aussi de façon beaucoup plus systématique avec le développement des administrations impériales, et l’installation à demeure d’administrateurs ou de colons. Ces relations furent plus ou moins contraintes. La « mousso », par exemple, terme générique tiré du bambara qui veut dire femme, employé pour désigner les « compagnes » des Européens, est une figure banale[2] en Afrique occidentale. N’y eut-il pas aussi quelques naissances sur les territoires coloniaux issues de relations entre femme européenne (religieuses , institutrices, assistantes sociales, épouses de fonctionnaires coloniaux etc) et homme colonisé ? Le tabou est fort et les archives ne livrent peut-être que difficilement ce type de secrets. Comme l’écrit Capucine Boidin, « La face cachée du désir colonial masculin était la frayeur supposée être naturellement inspirée par l’union de la femme blanche avec l’homme colonisé . La présence de ce mythe inverse pouvait de fait servir de légitimation à une entreprise d’élimination des hommes de la partie adverse, devenus rivaux en amour »[3].
[1] Ann-Laura Stoler, La Chair de l’empire : savoirs intimes et pouvoirs raciaux en régime colonial ; trad. de l’américain, Paris, La Découverte, 2013.
[2] Voir par exemple : Francis Simonis, « Le commandant, ses compagnes, son épouse », dans Odile Goerg, Perspectives historiques sur le genre en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 59-76.
[3] Capucine Boidin, op. cit.